Testament de Jean Turquan

Le testament de Jean Turquan premier du nom.

A l’époque,le principe était que le roi et son Parlement devaient connaître les testaments de ceux ayant manifesté de s’en remettre au souverain.

C’est dans ce cadre que le testament et codicille du lieutenant criminel du prévôt de Paris Maître Jean Truquan (Turquan) fut rédigé les 17 juillet et 4 décembre 1406 et inscrit sur le registre parlementaire des testaments sous le n° 74, A folio 167 v°.

Mis en place en 1400, à l’initiative du greffier au Parlement Nicolas Baye [i], ce registre conservé aux Archives Nationales [ii]  mentionne qu’un sac scellé contenant de l’argent (avoit finance) avec testament et codicile de Jean Truquan fut transmis le  23 juillet 1409 aux exécuteurs testamentaires de  feu l’évêque Pierre d’Orgemont III [iii] décédé le 15 juillet de la même année. On croit savoir que l'argent était destiné à la construction d'une chapelle Saint-Fiacre dans l'église paroissiale du défunt Jean Turquan en sa paroisse Saint-Jacques de la Boucherie dont il était l'un des bienfaiteur. 

Les executeurs testamentaires de feu l'évêque Pierre d'Orgemont

1) Conformément au testament du 18 avril 1406 de feu l'évêque Pierre III d'Orgemont, son premier exécuteur testamentaire était Denis de Baumes, avocat et  bailli de Mathieu Le Brun (1330-1407) abbé de Saint-Magloire et prieur de Versailles. Ce dernier avait prêté serment d’obéissance à feu l’évêque Pierre d’Orgemont le 3 février 1388 à Notre-Dame de Paris. Les deux autres exécuteur testamentaires étaient le procureur en Parlement  Jean Duchesne et le métivier Richard Heust.

Tels sont les faits :

Et pourtant la succession de feu Jean Turquan, premier d’une dynastie d’officiers de justice au Châtelet de Paris ne sera achevé qu’en 1445, soit 38 ans après sa mort. 

Cette durée inhabituelle était la conséquence de plusieurs facteurs:

1) La transmission du testament de Jean Turquan aux héritiers du feu chancelier de France Pierre II d'Orgemont, l'une des plus riches familles de Paris, établi formellement que ces derniers avaient des droits seigneuriaux directs sur l'héritage de feu le lieutenant criminel du prévôt. Cet héritage comprenait:

 -a) la seigneurie de Clignancourt relevant à la fois de l'abbaye bénédictine de Saint-Denis, bien de main-morte et de la gestion temporelle de l'évêque de Paris Pierre III d'Orgemont (1384-1409)

- b) Plusieurs fiefs biens de main-morte situés "sous-le-bois-de-Vincennes" à Fontenay (94) et Montreuil (93), localités contigues,fournissant la garde de la résidence royale du château de Vincennes  édifié en 1360. Ces biens étaient aux mains du chanoine de Paris et maître des comptes Nicolas d'Orgemont, dit le Boiteux (ca 1355-1416) frère de feu l'évêque Pierre II d'Orgemont. C'est lui qui fut désigné par sa famille comme exécuteur testamentaire avec son cousin François Chanteprime et le garde de la monnaie de Paris Jean Reymond.

Mais Nicolas d'Orgemont fut comdamné pour crime de lèse-majesté pour avoir comploté  avec les Bourguignons, ses biens revinrent en la main du roi et dispersés à partir de 1419.

2) Les troubles politiques qui bouleversèrent le  règne de Charles VI (1380-1422)

Roi à 12 ans, Charles VI fut mis en tutelle par ses oncles mais l'assassinat en 1407 de son frère Louis 1er duc d'Orléans  par son cousin Philippe comte et duc de Bourgogne, entraina  une guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons , alors alliés objectifs des troupes anglaises débarquées en France. Atteint d'une maladie psychiatrique le roi manquait de fermetéet le pouvoir royal était plus  ou moins détenu par le clan Orléans-Armagnacs.  Le clan des Bourguignons partisan d'une réforme s'opposa à partir de 1408, soutenu par la population promulga des ordonnances en 1413 qui furent annulées mais mis à profit en 1415 la victoire  anglaise d’Azincourt pour  prendre le pouvoir à Paris. 

C'est l'âge d'or de la France anglaise qui contrôle désormais le Parlement de Paris, les parlementaires ayant refusé de préter serment au roi d'Angleterre se sont exilés dans des Parlements annexes, notamment à Poitiers. 

Le royaume de France a désormais deux administrations, celle de Paris et du nord de la France occupée par les partisans Bourguignons et Anglais et celle du Dauphin et futur roi Charles VII réfugié en province, surnommé par dérision le roi de Bourges. En conséquences , de 1409 au mois de février 1419, les testaments déposés au Parlement de Paris pour contrôle royal, dont aucun n'a été conservé, restèrent en souffrance et ne furent pas exécutés. Vint ensuite le traité de Brétigny du 1er décembre 1421 signé entre le roi Henri V d'Angleterre et le roi de France Charles VI, lesquels moururent peu après.

3) Un facteur technique et financier concernant les biens immobiliers (fiefs ou seigneuries) faisant l'objet de transactions ou d'échanges.

La plupart du temps vendeurs et acquéreurs  employaient  la subrogation, transmission d'un lien de droit faisant objet d'un  contrôle parlementaire)  soit par remplacement d'un contrat ou par changement de créancier, cas le plus courant. Dans ce cas, les procès étaient  fréquents car le testateur pouvait  déposer ses dernières volontés entre les mains d'un parlementaire afin qu'aucune autre juridiction ne puisse réclamer la connaissance du testament. En effet l'autorité ecclésiastique entrait souvent en lutte contre  le contrôle  du Parlement afin de lui enlever la connaissance des testaments. Cet antagoniste entre pouvoir religieux et judiciaire remontait au début du moyen-âge et explicite les raisons du Parlement de refuser d'admettre aucune intervention des justices religieuses ou civiles telles  que celle du Châtelet de Paris. 

Par son office de lieutenant criminel de la prévôté du Châtelet  de Paris, Jean Turquan fut, par les hommes, le premier maillon d'une  dynastie d'officiers du Châtelet, et par les femmes  d'officiers municipaux de la ville de Paris (quaterniers et receveurs). 

Lien vers Jean Turquan dit de Clignancourt afin de le distinguer des autres branches de ce patronyme. (En rédaction)


[i] Nicolas Baye (1364-1419) d’origine champenoise, bachelier en décrets, fut chanoine de Soissons de Tournai ( 1411) ,de Notre-Dame de Paris (1413), archidiacre de Troyes et enfin curé de Saint-Jacques de la Boucherie (1408) la paroisse de feu Jean Turquan. Chroniqueur de son époque, Nicolas fut également conseiller clerc et greffier au Parlement de Paris (1417) et bibliophile reconnu. Il fut proscrit en 1418 par le parti bourguignon.

[ii] ( A.N.X1A 9807) (B.N. Collection Morteau n° 1161 testament de 1407 à 1413)

[iii]  Pierre III d’Orgemont (ca 1343-1409), fils de Pierre II d’Orgemont chancelier de France (1373 à 1389 ) et Marguerite Voisine. Il était frère aîné d’Amaury d’Orgemont chancelier du duc d’Orléans, de Guillaume d’Orgemont et de Nicolas d’Orgemont dit le « boiteux « archidiacre de Paris , emprisonné pour lèse-majesté et complot.

Pierre III d’Orgemont avait été évêque de Thérouanne (1375-1384) avant d'être nommé à Paris (1384-1409). Conseiller au Parlement, président de la Chambre des Comptes. Bien en cour il avait été chargé de négocier le mariage de Louis 1er, alors duc de Touraine et futur duc d'Orléans, avec Valentine Visconti avant d'être  assassiné en 1407Sur le plan temporel, feu l'évêque était seigneur de Chantilly (60) et de Montjay-la-Tour (77) avec ses fiefs de de Clacy à Noisy-le-Sec (93) de Montauban (77) et de Nonneville à Aulnay-sous-Bois et partie de Bondy (93) ainsi que du manoir de Guingant et plusieurs fiefs à Montreuil-sous-Bois.

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Bibliographie

- Journal de Nicolas de Baye greffier au Parlement de Paris,  (1400-1417) pp.278 et 279

- Testaments enregistrés au Parlement de Paris sous le règne de Charles VI, par Alexandre Tuetey. Index chronologique de 218 testaments dont ceux de Jean Truquan lieutenant criminel au Châtelet n°74  du 17 juillet 1406 p.18 et celui de l'évêque Pierre d'Orgemont  n° 111 du 10 juillet 1409 p. 20.  

-  Le quartenier était un officier municipal chargé de la surveillance d'un quartier de Paris, de faire respecter l'autorité municipale et veiller à la sécurité des bourgeois. A l'époque , ils étaient chargé de barrer les rues par des chaînes en cas de troubles ou d'attaques ennemies. Leur nombre variait en fonction de l'extention de la ville. 

- Armagnacs et Bourguignons, sous titré "la fabrique de la guerre civile "(1407-1435) par Joél Blanchard, édition Perrin

 

 

Date de dernière mise à jour : 29/03/2024

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