Pays-Bas bourguignons et l'Empire
L’alliance des familles Guillart de l’Epichelière et Chevalier d’Eprunes.
Louis Guillart d'Epichelière était le fils du président au Parlement de Paris et diplomate Charles 1er Guillart. Il fit ses études au collège de Navarre puis entra dans les ordres où il se fit remarquer pour sa piété. A l’âge de 22 ans, il fut pourvu le 8 juin 1513 de l’évêché de Tournai (Hainaut) mais sous influence franco-bourguignonne. Il succédait à Charles de Hautbois, natif de Châtellerault et abbé de Saint-Amand-les-Eaux, en place depuis 1507 qui avait résigné en sa faveur, après avoir rédiger son testament dont l’un des exécuteurs testamentaires était son ami Charles Guillart, père du nouvel évêque .
A l’époque, Tournai était encore l’objet de dissensions après la guerre de succession de l'empire bourguignon (1477-1482) qui suivit le décès du puissant comte Charles le Téméraire. Le roi d’Angleterre Henri VIII s’en mêla, occupa militairement la ville le 25 septembre 1513 et en chassa l’administration française, dont l’évêque Louis Guillart à peine installé car il refusait de préter serment au roi d'Angleterre. Il est remplacé par un administrateur anglais. Désappointé, l’évêque titulaire s’installe pour un temps à Courtrai avant de s’établir rue de Saint-Avoie, au domicile de son cousin le bourgeois de Paris et marchand Germain II Vivien époux de Jeanne Robineau.
La famille CHEVALIER d'Eprunes apparaît
C’est à cette époque que la famille Guillart de l’Epichelière s’allie avec celle des Chevalier d’Eprunes, de même condition sociale en mariant vers 1515 Marie Guillart avec Pierre Chevalier fils aîné de Jacques 1er Chevalier et Jeanne Le Picart.
En 1519, les Anglais quittent Tournai et les autorités françaises se réinstallent, ainsi que l’évêque Louis Guillart au siège épiscopal. Avec lui arrive un nouvel archidiacre nommé Jean Chevalier (1470-1530) qui fait l'objet d'une note distincte. Afin d’apaiser la situation, Louis Guillart négocie avec Erard de la Marck (1472-1538) évêque de Liège et de Chartres dont il est évêque titulaire depuis 1507, nommé à l’initiative du roi Louis XII. Introduit au Vatican, Erard est également un protégé de Charles Quint qui le fera nommer évêque de Valence (Espagne) puis cardinal par le pape Léon X le 1er août 1521. Satisfait de ces marques de considération, et jusqu’ici francophile, le cardinal change de camp et prend fait et cause pour les impériaux. Cette modification d'alliance s'intégre dans le cadre général des luttes d'influences entre pays-bas bourguignon et pays-bas des Habsbourg, prémices à la constitution des provinces-unies des Pays-Bas (1579-1795). En bref, les limites internationales entre Belgique, France et Hollande. Voir carte Wikipedia pour situer l'évêché de Tournai au XVIème siècle
En rétorsion, le roi François 1er met en régale en 1521, l’évêché de Chartres tenu depuis 1507 par Erard de la Marck, privé des revenus de cet important évêché. Puis il donne le temporel et les bénéfices apostoliques chartrains en compensation à Louis Guillart avec effet rétroactif au 1er juin 1521, par arrêt du Parlement de Paris, soit la somme de 2.400 livres tournois. Néanmoins et pour le Vatican, Chartres restera jusqu’en 1524 au cardinal et prince d’Empire Erard de la Marck.
Permutation d’évêchés et commerce international
Les deux prélats, Erard de la Marck et son jeune frère en religion Louis Guillart, chacun étant soutenu par son souverain en guerre l’un contre l’autre, décidèrent de permuter leurs évêchés. Ils arrivèrent à s’accorder sur le compromis suivant, négocié en Flandre par l’intermédiaire d’Antoine Le Tourneur, secrétaire de Louis Guillart.
Le revenu financier de Chartres étant largement supérieur à celui de Tournai, Louis Guillart devait verser au cardinal à titre de compensation 12.000 livres tournois pour lui-même et 9.000 livres tournois pour les banquiers italiens chargés de faire expédier les bulles, c'est-à-dire en grande partie pour la fiscalité pontificale. Ces sommes importantes étaient payables à Malines, Bruxelles ou Anvers.
Dans le cadre de cet accord amiable, le 29 mars 1525, Erard résigna l'évêché de Chartres en faveur de Guillart, qui après avoir reçu ses bulles de provisions abandonna Tournai à l’abbé d’Afflighem Charles de Croÿ . En contrepartie, Erard devait toucher 9.550 livres de pensions, versée partiellement par la famille de Croÿ, que Louis Guillart devait dédommager avant de prendre de possession de son évêché.
Mais la situation était tendue à Chartres où paroissiens et chanoines du chapitre cathédral étaient resté plusieurs années sans évêque résidant sur place et considéraient que leur ville avait été sacrifiée par la royauté au profit de la politique internationale. On ignore exactement la date de prise de possession par Louis Guillart de son siège épiscopal, vraisemblablement au cours du mois d’Avril 1525.
Malgré sa piété reconnue ainsi que ses efforts afin de combattre la progression de la réforme protestante, le nouvel évêque mettra du temps à retrouver la considération de ses paroissiens.
Il devait économiser afin de régler ses dettes et s’était engagé à partir de 1522 dans des prêts d’argent devant notaire avec l’aide de son cousin germain le marchand grenetier de Paris Germain Vivien. Ces prêts étaient accordés sous caution à des marchands se livrant à des opérations commerciales internationale entre les Pays-Bas, la Flandre, la Bourgogne et l’Italie.
Pour cela, tous deux vont s’appuyer sur un marchand de Beauvais Eustache Le Doyen à qui l’évêque a prêté de l’argent et qui s’avérera au final comme un escroc et sera jugé comme tel. En bref, la région étant en guerre depuis plusieurs années, les marchands obtenaient des sauf-conduits pour passer les frontières, changeaient de transporteurs dans chaque pays et ne réglaient aucune taxe. Cette activité aventureuse et les pérégrinations de l’évêque Louis Guillart ont fait objet de plusieurs études dont celle d’Henri Dubief
A partir des années 1530, la situation de l’évêque de Chartres est stabilisée et se poursuit normalement, bien que la réforme protestante progresse sensiblement dans la population
En 1552, Louis Guillart résigna son évêché de Chartres en faveur de son neveu Charles Guillart (1529-1573) d'Epichelière mais, vraisemblablement afin de régler ses dettes, s'était réservé la collation des bénéfices et la plus grande partie des revenus de l'évéché (Marc Venard Bibliothèque d'humanisme et renaissance T 58 n° 1 pp61 à 80). En dernier lieu, après Tournai, Chartres et Chalon, Louis Guillart sera en 1560, nommé évêque de Senlis quelques mois avant sa mort. Auparavant, il avait pris la précaution de transmettre l’évêché de Senlis à son neveu par alliance Pierre II Chevalier d’Eprunes, fils puîné de sa sœur Marie Guillart épouse de Pierre 1er Chevalier.
Collection Persée « Les opérations commerciales de Louis Guillart, évêque de Tournai, puis de Chartes » parue en 1961 dans Revue du Nord n° 170 pp. 149-154.